Comprendre nos biais : les modèles du handicap

Pour mieux agir, il faut aussi mieux comprendre les handicaps. Avec cet article, découvrez en les différentes approches et comment celles-ci ont pu façonner nos regards.

Comprendre nos biais : les modèles du handicap

Vous l’avez sans doute vu passer : cette semaine marque la 26e édition de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (#SEEPH2022).

Moment clé de l'inclusion, notamment en entreprise, la SEEPH est l’occasion de s’interroger sur les différents dispositifs mis en place pour faciliter l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. C’est un moment de réflexion et de partage sur des pratiques, de prise en compte de nos biais et des réalités de l’emploi pour les personnes concernées.

En effet, malgré les engagements et efforts déployés, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 14%, presque le double du taux de chômage national (Agefiph, 2021).

Agefiph, 2021

Comment faire mieux ? Au-delà d’actions et de dispositifs concrets, il nous faut surtout limiter nos biais et mieux comprendre les handicaps - au pluriel. Par le biais de cet article, nous vous proposons de nous pencher ensemble sur les différentes approches du handicap et comment celles-ci ont pu façonner nos regards.

Les modèles du handicap

Il existe trois grands modèles du handicap, c'est-à-dire trois manières dont nous le concevons et nous nous le représentons.

Le modèle de charité

Pour commencer, le plus ancien : le modèle de charité. Dans ce modèle, la personne en situation de handicap est presque entièrement définie par son handicap, qui la rend “déficiente”. Elle est vue comme incapable de vivre pleinement sans l’intervention charitable des personnes dites valides.

Nous sommes donc sur un modèle qui repose sur la pitié, où les personnes en situation de handicap sont plaintes ou valorisées pour leur handicap. Elles sont des "inspirations" parce qu'elles vivent "malgré" leur handicap. Comme l'écrit Anthony Aubé, membre du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées :

"Croyez-vous vraiment que donner de l’argent en regardant la télévision  et en vous disant : ces pauvres malheureux, ils le méritent bien… fera  avancer leurs droits? Fera améliorer l’image que l’on a de la maladie,  du handicap? Fera évoluer les mentalités sur nos capacités? Nous  permettrons de lutter contre la discrimination? Ou permettra simplement à  ces enfants de se sentir à l’égal des autres sans se sentir redevable  des donateurs?"
"Je ne suis pas votre inspiration, merci bien" - Stella Young, en VOSTFR

Le modèle médical

Le modèle médical repose sur une approche similaire à celle du modèle de charité. L'individu est à plaindre : l’accent est mis sur la guérison de ses “désavantages” plutôt que sur les réponses à apporter à ses besoins.

Comme pour le précédent, le modèle médical tend à enlever toute agentivité à la personne en situation de handicap, qui voit sa vie remise entre les mains de professionnels qui décideront de son parcours scolaire, médical, professionnel, etc.

Ces deux modèles reposent sur une vision validiste du handicap :

"Le validisme, dit aussi capacitisme, se caractérise par la conviction de la part des personnes valides que leur absence de handicap et/ou leur bonne santé leur confère une position plus enviable et même supérieure à celle des personnes en situation de handicap." - Manifeste du Collectif lutte et handicaps pour l'égalité et l'émancipation, 2019

Plus concrètement, le validisme se traduit par des discours, actions ou pratiques paternalistes, condescendants et dénigrants à l’égard des personnes en situation de handicap. Un exemple de validisme très commun est l’infantilisation des personnes en situation de handicap, accompagnée en général de l’idée qu’elles ne peuvent avoir de vie sexuelle.

La personne est handicapée - Schéma adapté du modèle de Inclusion London

Depuis les années 60, de nouveaux modèles ont émergé, qui s'émancipent de cette vision essentialisante et négative.

Le modèle social

Le modèle le plus important et aujourd'hui communément admis, notamment par la convention des Nations Unies (signée et ratifiée par la France), est le modèle social.

Pour ce modèle, conçu et pensé par des personnes en situation de handicap, ce n'est pas la personne qui est handicapée mais la société qui est handicapante. L'objectif est donc de travailler sur l'inclusion de notre société.

Le modèle social se découpe en deux approches.

L'approche environnementale

Tout simplement, l'environnement n'est pas aménagé pour l'ensemble des diversités. Cela se traduit dans la construction des bâtiments, des transports, des voies piétonnes, supports visuels, etc. L'environnement, tel qu'il est aujourd'hui, est adapté aux personnes valides avant tout. Des aménagements arrivent ensuite : feux de signalisation sonores, rampes pour accéder aux bâtiments, revêtements aux sols pour les non-voyants, etc.

L'environnement est aussi compris comme social (stéréotypes, préjugés, discrimination) et organisationnel (politiques, standards).

L'objectif de l'approche environnementale est de mettre en accessibilité et d'adapter l’environnement, en impliquant les personnes concernées dans les services et les soutiens.

La société est handicapante - Schéma adapté du modèle de Inclusion London

L'approche par les droits humains

Pour l'approche par les droits humains, cette inclusion devrait être systématique. Le handicap est vu comme invalidant car la société, dans ses règles politiques, économiques et sociales, n'est pas adaptée aux profils non-valides.

Pour cette approche, il faut donc réduire les inégalités dans les droits et donner accès à une pleine citoyenneté. Ce modèle cherche à supprimer les barrières qui restreignent les choix  de vie des personnes en situation de handicap dans un but d’indépendance, d’égalité et de choix à égalité avec les autres.

L'approche par les droits humains - par Daru, en VOSTFR

Se tourner vers le modèle social

Le modèle social ne rejette pas les solutions médicales : il redonne la liberté et le choix de “ne pas réparer” à chaque personne concernée par le handicap. Il permet de réfléchir à des solutions aux problèmes rencontrés (un modèle plus fonctionnel, avec des mesures adaptation), et non pas à des solutions pour guérir l'individu.

De même, ce modèle n'a pas vocation à être universel et absolu, mais invite à réfléchir à nos propres biais et privilèges.

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on ne peut essentialiser une personne à son handicap. C’est aussi pour cela que l'on utilise de plus en plus "personnes en situation de handicap" et à la place de "personnes handicapées", ce qui a l’avantage de mettre l’accent sur la situation de la personne plutôt que sur ses caractéristiques personnelles, ainsi que sur l’importance d’agir sur son environnement physique et social pour prévenir de telles situations.

C'est aussi pour cela qu'on dit que le handicap est contextuel :  il nous incombe, en tant que société, de travailler sur l’inclusivité de nos environnements, de nos lois, de nos pratiques et de nos mentalités.

Mixity accompagne les organisations dans le développement d’une démarche inclusive et le handicap est une dimension à part entière des politiques DE&I.

Par un état des lieux, un sondage et des actions de sensibilisation (conférences, e-learning, ateliers…), nous accompagnons nos clients afin d'accélérer la diversité et l’inclusion, notamment sur les enjeux de handicap.

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Crédit photo : Elevate