Le futur du travail avec Isabelle Rouhan

Dans un monde économique et social en pleine mutation, le "futur du travail" fait l'objet de nombreuses conférences et publications. Comment se dessine-t-il ? Comment s'y préparer ? Et quelle place occupera la diversité et l'inclusion dans les entreprises de demain ?  

Autant de questions auxquelles nous avons voulu répondre avec l'une des grandes expertes du sujet, Isabelle Rouhan, qui a fondé en 2017 Colibri Talent, cabinet de recrutement de dirigeants, spécialisé dans la Tech, la data, et l'Intelligence Artificielle et aussi conférencière, auteure du podcast "Les Métiers du Futur".

Isabelle Rouhan préside également l’Observatoire des Métiers du Futur, think-tank qui vise à développer l’employabilité en France, afin de sensibiliser et d’impacter positivement les acteurs économiques et le débat public et est ambassadrice numérique auprès de la Commission Européenne.

Qui de mieux placé pour nous éclairer sur le futur du travail et nous partager sa vision de l'inclusion dans les pratiques de recrutement et de management des entreprises ?

Retour sur nos échanges avec Isabelle Rouhan :

A travers votre expérience, quelle est votre définition de l'inclusion dans le monde du travail ?

L’inclusion dans le monde du travail, c’est la prise en compte de toutes les diversités dans un souci d’amélioration de performance de l’entreprise. Il y a cinq grands types de diversitéS : le genre, les générations, le handicap, l’orientation sexuelle, et l’origine sociale et culturelle.

Comment la diversité et l'inclusion peuvent influer sur le futur du travail ?

La diversité est un levier de performance.  C’est logique : plus on est divers pour prendre une décision par consensus, plus facilement on évite de faire des erreurs, et notamment de se fracasser sur les écueils du biais de confirmation.

Ce que je viens d’affirmer, McKinsey l’a démontré et quantifié via une étude sur plus de 1000 entreprises dans 15 pays. L’étude montre qu’il y a :

• +25% de surperformance, si parité gouvernance
• +36% de surperformance si diversité origine sociale et culturelle
• Dernier quartile : -19% de sous performance

Vous travaillez principalement avec des entreprises dans le secteur de la tech, comment définiriez-vous le futur du travail, notamment pour les femmes dans la tech ?

Le numérique est le premier secteur qui recrute en France. Cela représente 80 000 emplois non pourvus, du fait d’un déficit de compétences.

Il manque aujourd’hui 900 000 codeurs à l’échelle européenne. Bref, il y a un gisement d’opportunités colossales à saisir !

Et on constate un vrai problème concernant la féminisation. Le secteur du digital plafonne à 30% de femmes. Ce chiffre est stable depuis 2013. Derrière cette moyenne, se cachent des disparités : seulement 25% de femmes sont présentes  dans la data, ou encore 9% dans la cyber.

Par ailleurs, en France, les femmes ne représentent que 29% des 34.000 ingénieurs formés chaque année, alors que dans le même temps, notre pays affiche un déficit annuel d’au moins 20.000 ingénieurs. En moyenne, elles travaillent huit ans dans le métier auquel elles ont été formées, et après elles font autre chose.

Alors comment selon vous, peut-on améliorer ce déséquilibre pour plus de performance ?

Le premier enjeu, c’est d’encourager les jeunes filles à poursuivre des études scientifiques. C’est très difficile : aujourd’hui, seulement 39% d’une classe dâge garde la spécialité mathématiques au moment du baccalauréat. Mais derrière ce chiffre, on parle de 50% des garçons et de 28% des filles. Ce qui veut dire que 72% de la classe d’âge féminine a abandonné les mathématiques en Terminale. Il faut absolument remédier à cela…

En tant qu’experte du recrutement, comment adressez-vous les enjeux de diversité et d’inclusion avec vos clients ?

Je suis adhérente à la Charte de la Diversité depuis le premier jour où j’ai fondé mon entreprise.

Pour chaque short-list que je présente comporte des profils féminins, à parité. Je vais sourcer spécifiquement plus de profils de femmes pour garantir cela. Par ailleurs, il y a toujours un ou une sénior dans les profils que je recommande.

Pouvez-vous citer une ou deux actions ou bonnes pratiques que vous avez mises en place dans vos processus de recrutement ?

Je teste régulièrement mes biais cognitifs, via le test IMPLICIT proposé par l’université d’HARVARD.

Vous êtes également business angel et vous investissez dans des projets innovants. Comment les enjeux de diversité et d’inclusion sont-ils adressés dans le monde de l’investissement ?

Les start-up fondées ou cofondées par des femmes sont des investissements 2,5 fois plus rentables que les autres", assure le collectif SISTA. Pourtant, du côté des petites et moyennes entreprises, en moyenne, les entrepreneures recevaient 2,5 fois moins de fonds que leurs homologues masculins. L'édition 2021 du baromètre Sista publié avec le Boston Consulting Group et le Conseil National du Numérique soulignait que 88% du montant des levées de fonds en France sont captés par des équipes entièrement composées d'hommes.
Il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Quels messages aimeriez-vous passer à des femmes ou des profils sous-représentés dans le monde des startups et qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Allez-y, foncez. Les profils de femmes sont sous-représentés mais surperforment. Il faut absolument briser ce plafond de verre.

Selon vous, les métiers de demain seront-ils tous des métiers inclusifs ?

Je pense que oui, et c’est à nous, chefs d’entreprises (f/h/nb) d’y contribuer, dans nos décisions d’investissement et de recrutement.

A écouter pour aller plus loin sur le Futur de la Diversité > l'épisode xx du Podscast Les Métiers du Futur animé par Isabelle Rouhan avec Sandrine Charpentier - CEO de Mixity : écouter ici